Grâce à la coopération des administrations fiscales de pays membres du réseau mondial d'échange automatique d'informations effective depuis 2017, BERCY a pu recueillir un grand nombre de données sur les comptes bancaires et les contrats d’assurance-vie et placements assimilés détenus hors de France. Ces informations sont en substance l'identité, l'adresse et le numéro fiscal du titulaire du compte, le numéro et le solde du compte, l’information de sa clôture du compte, le cas échéant, la nature et le montant des revenus générés par celui-ci et la valeur de rachat des contrats d'assurance-vie.
Obligations déclaratives liées aux comptes financiers et assurances-vie et placements assimilés détenus à l’étranger
Les personnes visées par ces échanges automatiques d'informations sont celles qui détiennent directement ou via une entité offshore un compte financier, un contrat d'assurance-vie ou placement assimilé auprès d’une institution financière basée dans un pays adhérent à l’échange automatique d’informations encadré par la norme commune de déclaration fixée par l'accord multilatéral de Berlin du 29 octobre 2014.
Soulignons que l’obligation incombe aux personnes domiciliées fiscalement en France de déclarer en même temps que leurs revenus les références des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l'étranger, en cochant la case 8UU du formulaire 2042 et en remplissant le formulaire 3916. Autrefois limitée aux comptes actifs, l’obligation déclarative couvre depuis le 1er janvier 2019 les comptes simplement détenus par le déclarant, ce qui inclut ceux n’ayant enregistré aucune opération de crédit ni de débit.
La déclaration de revenus doit également être accompagnée des références, date d'effet, durée, avenants et opérations de remboursement effectuées, le cas échéant la valeur de rachat ou le montant du capital garanti au 1er janvier de l'année des contrats d'assurance-vie souscrits auprès d'organismes établis hors de France. Le déclarant doit dans ce cas cocher la case 8TT du formulaire 2042 et porter ces informations dans une rubrique dédiée lorsque la déclaration est faite en ligne ou sur papier libre.
Sanctions des manquements aux obligations déclaratives
Omettre de souscrire la déclaration annuelle relative à l’existence du compte ou du contrat d’assurance-vie à l’étranger comporte des conséquences non négligeables. Outre le fait que le nombre d’années au titre desquelles l’administration est autorisée à réclamer les impôts éludés passe de 3 à 10 ans, le manquement à ces obligations déclaratives est passible d’une amende fiscale de 1 500 € par compte ou contrat non déclaré, montant porté à 10 000 € lorsque les avoirs sont logés dans un Etat ou un territoire non lié à la France par une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales permettant l’accès aux renseignements bancaires. Les amendes fiscales se prescrivant à l'expiration de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle les infractions ont été commises, un compte ou contrat non déclaré détenu depuis au moins 2015 donnerait lieu à un montant total d’amende de 6 000 € ou 40 000 € par compte ou contrat.
Soulignons que depuis le 1er janvier 2017, une majoration unique de 80 % est appliquée en cas de rappels d’impôts dès lors que son montant est supérieur à celui de l’amende de 1 500 € ou 10 000 € qui se trouve dès lors écartée. A défaut ou en l’absence d’imposition supplémentaire, il est fait application de l’amende forfaitaire.
Recommandations
Une personne qui remarquera que la case 8UU ou 8TT de sa déclaration de revenus préremplie est cochée, la décochera bien entendu si elle n’a ouvert, utilisé, détenu ni clôturé de compte ou n’a été titulaire d’aucune assurance-vie ou placement assimilé à l’étranger en 2019.
Dans le cas contraire, l’intéressé pourrait être tenté de se contenter de déclarer ses actifs étrangers au titre de l’année 2019 et s’en tenir à cela, chose que nous déconseillons fortement.
La raison en est que les articles L 23 C et L 71 du LPF et 755 du CGI autorisent l’administration, en cas de défaut ou d’insuffisance de réponse à une demande d’informations ou de justifications sur l'origine d’avoirs étrangers, à taxer d'office aux droits de mutation au taux de 60 % la valeur la plus élevée au cours des 10 dernières années desdits avoirs présumés avoir été acquis gratuitement par donation de tiers. En pratique, le fisc a recours ce dispositif lorsqu’il se heurte à un contribuable récalcitrant ; il en est ainsi lorsque les procédures de contrôle classiques n’ont pas permis d’obtenir les informations utiles sur les avoirs à l’étranger. Il est à noter que dans les dossiers de régularisation d’avoirs détenus à l’étranger à la suite de la découverte par l’administration fiscale de comptes étrangers non déclarés, que notre cabinet a traités, elle n’a pas mis en œuvre la procédure de l’article L 23 C, même si elle a pu menacer y avoir recours lorsque nous résistions à ses interprétations sur des points que nous considérions comme infondés.
Il faut percevoir le pré-cochage des cases comme une invitation de l’administration à déclarer ses avoirs à l’étranger au titre de l’année 2019, mais aussi à procéder à la régularisation pour les années non prescrites si leur détention est plus ancienne. S’abstenir de régulariser sa situation et attendre la réaction de l’administration pourrait être perçu comme de la récalcitrance susceptible d’aboutir à un questionnement sur l’origine et les modalités d’acquisition des avoirs sur le fondement du dispositif L 23 C du LPF.
Certes, il est possible de faire échec à la présomption d’une acquisition gratuite des actifs et leur taxation à 60 % en apportant des justificatifs utiles sur leur origine. Mais il faudrait pour cela être en mesure de fournir des éléments aussi précis que suffisants, car contrairement au contexte exceptionnel de la procédure de régularisation “CAZNEUVE ” où elle faisait preuve d’une certaine souplesse envers les repentis fiscaux et pouvait se contenter d’indices faute de justificatifs précis en raison par exemple de l’ancienneté d’une succession à l’origine les avoirs, l’administration fiscale se montrerait très rigoureuse dans l’appréciation des éléments de preuve apportés.
Soulignons au passage que de récentes questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sur les dispositions des articles L 23 C et L 71 du LPF et 755 du CGI ont suscité beaucoup d’espoir pour nombre de personnes qui décriaient la situation de quasi imprescriptibilité et d’imposition confiscatoire que ces textes autorisaient. Les auteurs des questions soutenaient que les dispositions contestées portent atteinte aux principes selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, de non rétroactivité de la loi pénale, de nécessité des délits et des peines et d’égalité devant les charges publiques. Pour la Chambre commerciale de la Cour de cassation statuant par un arrêt n°977 du 19 décembre 2019 (19-15.296), aucun des points de contestation ne présentaient de caractère sérieux, considérant que les dispositions critiquées ne visent qu’à établir l’assiette d’une imposition et ne peuvent être qualifiées de sanction ayant un caractère punitif ; que visant à lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, objectif à valeur constitutionnelle, elles n’établissent aucune discrimination entre les détenteurs d’avoirs fiscaux à l’étranger, qui sont placés dans une situation identique. Pour les juges de cassation, il n’y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées, noyant ainsi l’espoir de voir le dispositif du L23 C du LPF censuré.
Un autre aspect non des moindres à ne pas omettre est le risque des poursuites pénales. L’administration fiscale à la liberté de saisir ou non le parquet qui décide de l’opportunité des poursuites sur le plan pénal, lorsque le manquement à l’obligation déclarative de comptes ou contrats d’assurance-vie à l’étranger entraine pour elle un préjudice n’excédant pas 100 000 € (montant des droits éludés). Il serait, dès lors, judicieux d’anticiper toute demande de l’administration et procéder spontanément à la régularisation de ses avoirs étrangers, ne serait-ce que pour la mettre dans de bonnes dispositions et peut-être éviter des poursuites pénales.
En conclusion, si vous remarquez que la case 8UU ou 8TT de votre déclaration de revenus préremplie est cochée et que vous avez ouvert, utilisé, détenu ou clôturé un compte ou avez été titulaire d’assurance-vie ou placement assimilé à l’étranger au cours des 10 dernières années, nous vous invitons à remplir le formulaire 3916 ou déclarer votre contrat d’assurance vie en précisant dans la rubrique des commentaires du formulaire 2042 qu’un dossier de régularisation sera déposé dans les mois qui suivent au titre des années non prescrites, en précisant éventuellement que vous avez mandaté un cabinet d’avocats à cet effet. Nous nous invitons à prendre attache avec notre cabinet rompu aux procédures de régularisation d’avoirs à l’étranger pour avoir constitué et présenté plus de 200 dossiers de régularisation au STDR dans le cadre de la procédure “CAZENEUVE” et dans le cadre de comptes étrangers non déclarés découverts par l’administration fiscale.
Nous vous invitons à vous reporter à nos articles sur le site et notamment l'article « Régularisation fiscale des comptes bancaires étrangers non déclarés ».
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