Ces derniers schémas font intervenir une société à l’IS en qualité d’usufruitière, commanditaire ou propriétaire de parts de SCI titulaire de droits spécifiques et une ou des personnes physiques généralement associés de la société à l’IS.
Cependant, il est important de s’assurer du respect de certaines contraintes afin d’éviter des déconvenues fiscales.
Généralement, ces contraintes concernent :
- à la correcte valorisation des droits acquis par chacune des parties prenantes par la perspective de rendement équilibré entre elles ;
- sur des montants non symboliques qui justifient la participation de la société à l’IS, qui devra in fine percevoir les bénéfices sur lesquels elle a été imposés ;
- et enfin, bien évidemment, à la justification économique de l’acquisition ou la cession de ces droits.
Certes, le respect de ces contraintes peut rendre le schéma d’acquisition moins favorable pour les personnes physiques (associées de la société usufruitière ou commanditaire) mais elles ont le mérite de relativement sécuriser fiscalement l’opération, qui reste quand même plus intéressante que la SCI à l’IS ou à l’IR.
LA SCI A l’IR OU A l’IS : LE CHOIX ENTRE LA PESTE ET LE CHOLERA
Acquérir des biens immobiliers financés par l’emprunt, compte tenu des taux d’intérêt actuels, malgré leur augmentation ces derniers temps, est un moyen efficace de s’enrichir par la constitution d’un patrimoine immobilier. Mais, le choix des modalités de l’acquisition n’est pas sans conséquences fiscales, qui peuvent dans certaines situations faire obstacle à l’opération.
C’est le cas, lorsque l’acquisition est effectuée par l’intermédiaire d’une SCI à l’IR. Les associés de la SCI sont personnellement imposables à l’IR et aux prélèvements sociaux, sur les revenus fonciers de la SCI. Ils doivent alors payer l’impôt correspondant, sans que la SCI puisse leur verser la trésorerie pour faire face à l’impôt, dès lors que les loyers perçus par la SCI servent à rembourser plutôt l’emprunt bancaire.
Pour éviter cet écueil, la solution évidente est de faire opter la SCI à l’IS, ce qui présente un double avantage :
- D’une part, le revenu imposable sera réduit des frais d’acquisition mais surtout de l’amortissement des biens immobiliers ;
- D’autre part le taux de l’impôt sera réduit à 25% au maximum.
De plus, la problématique de l’imposition des dividendes ne se pose pas, dès lors que la SCI ne disposera pas de trésorerie pour en verser.
Pour autant, la solution de la SCI à l’IS présente toutefois un inconvénient de taille lors de la revente.
En effet, les associés qui veulent appréhender le produit de la vente devront supporter une double imposition pouvant représenter la moitié du prix vente.
La première imposition correspond à l’IS sur la plus-value, qui ne correspond pas à la différence entre le prix d’acquisition et le prix de vente mais à la différence entre la valeur nette comptable du bien immobilier cédé et le prix de vente. Or, la VNC est égale au prix d’achat moins les amortissements déduits.
En conséquence ces amortissements, qui ont permis de minorer la base imposable pendant toute la durée de détention du bien, sont intégralement repris. Si le bien est totalement amorti, à l’exception du prix d’acquisition du terrain, la quasi-totalité du prix de cession sera imposable à l’IS.
La seconde imposition est celle relative à la flat tax sur le produit de la cession. Si les associés de la SCI veulent l’appréhender personnellement, ils devront procéder à une distribution de dividendes correspondant à la plus-value nette de cession majoré des résultats antérieurs qui n’ont pas été distribués. Cette distribution supportera donc la flat tax majorée éventuellement de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.
En tout état de cause, si la SCI n’avait pas opté à l’IS, la vente du bien immobilier aurait bénéficié du régime des plus-values des particuliers avec une plus-value déterminée d’après le prix d’achat majoré d’un forfait de frais d’acquisition de 7,5% et de travaux de 15%, laquelle plus-value serait déduite des abattements pour durée de détention et imposée au taux 36,2%, majorée éventuellement d’une surtaxe de 2 à 6%.
Pour bien illustrer les explications ci-dessus, nous présenterons une comparaison entre la SCI IR et SCI IS pendant la période de remboursement de l’emprunt et à la suite de la vente du bien.
Comparaison SCI IR et SCI IS, pendant la période de remboursement de l'emprunt
Prenons un exemple, d’une acquisition d’un bien immobilier au prix de 1 000 K€, avec un taux de rendement de 6%, soit un loyer net de 60 K€ indexé de 1% par an, financé par emprunt à 100%, au taux de 1,5% sur 20 ans, les associés finançant sur fonds propres les frais d’acquisition de 70 K€.
Prenons également pour hypothèse que le taux d’imposition des associés de la SCI à l’IR est de 30%, ce qui avec les prélèvements sociaux et la déductibilité partielle de la CSG correspond à un taux d’imposition effectif de 45,16%.
Pour déterminer, l’amortissement du bien immobilier, il est considéré que le terrain représente 20% de sa valeur et qu’il est procédé à un amortissement par composant du bâti.
Au vu de la synthèse jointe, il apparait que :
- La trésorerie de la SCI avant impôt est positive de 163 K€ (Loyer net de 1 321 K€ - remboursement bancaire de 1 158 K€).
- Malgré cette trésorerie positive, les associés de la SCI l’IR, compte tenu d’une imposition de 525 K€, devront décaisser 362 K€.
- En revanche, la SCI à l’IS dégagera une trésorerie de 77 K€, après un IS de 86 K€, ce qui après distribution permettra à ses associés de disposer de 54 K€ net de PFU.
La SCI à l’IS est donc la plus intéressante pendant la période de remboursement bancaire.
Vous pouvez vous reporter au tableau ci-dessous retraçant le détail de la comparaison par année des impositions de la SCI à l’IR et à l’IS.
La synthèse est la suivante :
Comparaison SCI IR et SCI IS, à la suite de la vente du bien
Nous avons remarqué plus haut sans surprise, que la SCI à l’IS est beaucoup plus favorable que la SCI à l’IR, lorsque le bien acquis est financé par un emprunt bancaire.
Mais cet avantage disparait s’il est procédé à la vente du bien, pour les raisons exposées ci- après.
En effet, il est considéré, que le bien acquis pour 1 000 K€ est revendu 20 ans plus tard au prix de 1 220 K€, correspondant à une revalorisation de 1% par an, identique à celle du loyer.
Il apparait que dans le cadre de la SCI à l’IR aucune imposition n’est due sur la plus-value, en raison de l’application des forfaits d’acquisition de 7,5% et de 15% pour travaux, qui augmente le prix d’acquisition.
En revanche pour la SCI à l’IS, la plus-value est calculée non d’après le prix d’acquisition mais d’après la VNC, ce qui conduit à reprendre l’ensemble des amortissements antérieurement déduits et génère une première imposition à l’IS et une seconde à l’IR, si le prix de vente est distribué.
Dans l’exemple ci-dessous, la SCI à l’IR s’avère plus favorable, mais dans d’autres cas, la SCI à l’IS peut être plus favorable, mais sans différence significative.
Cependant, bien que la SCI à l’IR soit plus favorable, le TRI dégagé est nettement inférieur à celui de la SCI à l’IS. Ce paradoxe s’explique par le fait que les associés de la SCI à l’IS se sont contenté d’apporter 70 K€ correspondant aux frais d’acquisition et ont même encaissé des dividendes, alors que les associés à la SCI à l’IR ont dû en plus de l’apport initial consentir tous les ans des décaissements supplémentaires pour payer l’IR.
C’est en raison de ces décaissements que la SCI à l’IS doit être retenue, choix qui s’impose lorsque les associés ne peuvent payer l’impôt sur des sommes qu’en pratique, ils ne touchent pas.
LES SOLUTIONS POUR CONJUGUER LES AVANTAGES DE LA SCI A L’IR ET LA SCI A L’IS
Nous avons vu que l’investisseur qui acquiert un bien immobilier avec un financement bancaire pour le louer, devait choisir entre la peste et le choléra, soit :
- Il relève de l’IR et paie de l’impôt sur des sommes qu’il ne touche pas (les loyers servant à rembourser l’emprunt bancaire), pouvant rendre au sens propre l’imposition insupportable ;
- Il opte à l’IS et bénéficie d’une fiscalité plus favorable, mais en cas de vente la moitié du prix de cession environ s’évapore en impôt.
L’idéal est de bénéficier du régime de l’IS lors du remboursement de l’emprunt et de l’IR lors de la revente. Pour arriver à cet objectif, des solutions existent.
La première solution est la location en meublé, qui permet d’amortir le bien et de sortir un résultat proche de zéro tout en bénéficiant du régime des plus-values des particuliers pour le LMNP et de l’exonération des plus-values sous certaines conditions, avec toutefois l’assujettissement aux cotisations SSI sur la plus-value à court terme pour le LMP.
Toutefois par définition, ces dispositions sont réservées pour les locations meublées.
Une autre solution et la plus connue est le démembrement directement du bien ou des parts sociales de SCI, les autres étant liées à l’acquisition à travers une société en commandite simple ou une SCI avec des catégories de parts sociales bénéficiant de droits différents.
Ces derniers schémas ont en commun d’imposer :
- à l’IS le résultat de la société propriétaire du bien immobilier pendant la période de détention du bien immobilier qui est généralement au moins égale à celle du remboursement du prêt bancaire
- à l’IR le résultat exceptionnel résultant de la cession du bien immobilier.
Ils ont également en commun des principes à respecter afin d’éviter des redressements fiscaux fondés non seulement sur l’abus de droit mais aussi l’acte anormal de gestion ou la distribution occulte.
Avant d’exposer ces principes à respecter, que j’ai identifiés, je vous exposerai d’abord les caractéristiques principales des différents schémas.
Le démembrement de parts de SCI
Dans le cadre du démembrement de parts de SCI, cette dernière acquiert le bien immobilier en contractant un emprunt bancaire pour financer l’acquisition, et cet emprunt est égal au coût d’acquisition moins les apports en capital ou en compte courant consentis par les associés.
Ainsi, le démembrement de propriété ne porte pas sur le bien immobilier mais sur les parts sociales de la SCI.
L’usufruit, pour une durée fixe de l’ordre de 15 à 20 ans, est alors détenu par une société à l’IS, qui est généralement locataire des locaux. De plus, le nu-propriétaire est une personne physique, qui est souvent également associée de la société usufruitière.
Cette communauté d’intérêt existant entre les intervenants impose de respecter certains principes, qui seront développés ultérieurement.
En effet, la SCI, qui n’a pas opté à l’IS, n’est pas personnellement redevable de l’impôt sur ses résultats, mais ses associés sur son résultat au prorata de leurs droits dans la société.
En cas de démembrement, en fonction des clauses statutaires, l’usufruitier qui a droit au résultat courant est imposable sur ce résultat et le nu-propriétaire qui a droit au résultat exceptionnel est imposable sur la plus-value en cas de cession du bien immobilier.
Or, l’usufruitier étant une société à l’IS, en application de l’article 238 bis K sur CGI, le résultat de la SCI sur lequel il sera imposable sera déterminée d’après les règles d’assiette applicable à l’IS. C’est-à-dire que le résultat de la SCI sera minoré des frais d’acquisition et de l’amortissement du bien immobilier et sera imposé au taux de l’IS.
Cependant, il est à noter que l’usufruitier sera imposable sur le résultat de la SCI, qu’il soit ou non distribué.
Ainsi, pendant toute la durée du démembrement, seul l’usufruitier sera imposable, et le nu-propriétaire ne sera redevable d’aucun impôt sur le revenu lié à sa détention.
A l’expiration du démembrement, le nu-propriétaire devient automatiquement plein propriétaire des parts, sans que cela ne génère d’imposition. Si la SCI procède à la vente du bien immobilier, la plus-value sera imposable au nom de l’ancien nu-propriétaire d’après les règles applicables aux plus-values des particuliers.
En définitive, le nu-propriétaire bénéficie des règles de l’IS pendant toute la durée du démembrement et de celles de la plus-value des particuliers lors de la vente.
Pour bien comprendre le mécanisme du démembrement de parts de SCI, nous allons reprendre les mêmes hypothèses déjà utilisées précédemment, c’est-à-dire une acquisition d’un bien immobilier au prix de 1 000 K€, avec un taux de rendement de 6%, soit un loyer net de 60 K€ indexé de 1% par an.
En effet, la durée du démembrement a été arrêtée à 20 ans, durée égale à celle du prêt bancaire au taux de 1,5%.
L’usufruitier est locataire du bien immobilier acquis par la SCI, le nu-propriétaire détenant la société usufruitière.
De plus, l’apport de la personne physique nu-propriétaire est le même, soit 70 K€, que dans les exemples de la SCI à l’IR et à l’IS, mais le capital de la SCI est de130 K€, donc l’emprunt de la SCI de 940 K€, la personne physique cédant un usufruit temporaire au locataire au prix de 60 K€, qui le finance sur fonds propres.
Il est retenu comme hypothèse que le résultat de la SCI est distribué à l’usufruitier uniquement dans la limite de la trésorerie.
Toutefois, dans la mesure où le nu-propriétaire est également associé de l’usufruitier (par hypothèse à 100%), cette trésorerie après IS est redistribuée au nu-propriétaire.
Or, en application de l’article 13-5 du CGI, le prix de cession de l’usufruit temporaire sera soumis à l’IR et aux prélèvements sociaux.
Il apparait que le nu-propriétaire devenu plein-propriétaire des parts de la SCI n’aura pas à consentir d’efforts financiers autres que l’apport initial de 70 K€, tout en bénéficiant du régime des plus-values des particuliers lors de la revente du bien immobilier.
Ce schéma permet donc de bien bénéficier des avantages de la SCI à l’IS pendant la période de remboursement du prêt et de ceux de la SCI à l’IR lors de la revente et donc de réaliser un gain de 361 K€ par rapport à la SCI à l’IR et 419 K€ par rapport à la SCI à l’IS, comme cela apparait dans la synthèse ci-dessous.
Le détail année par année est le suivant :
Ce schéma de démembrement, tel que présenté, est-il sécure fiscalement ?
A notre avis, il ne respecte pas les critères nécessaires afin de le considérer comme défendable sur le plan fiscal, pour des raisons exposées ci-dessous.
La société en commandite simple comme outils d’acquisition immobilière
La SCS, bien qu’elle soit est une ancienne forme de société peu utilisée aujourd’hui, elle présente néanmoins un intérêt dans le cadre d’une acquisition immobilière financée par l’emprunt.
En effet, la SCS comporte deux types d’associés, les commanditaires et les commandités.
Sa particularité réside dans son régime fiscal hybride, la part des revenus revenant aux commanditaires étant imposable à l’IS et celle revenant aux commandités, relevant de la transparence fiscale, sera imposable à l’IR, lorsque les commandités sont des personnes physiques.
Il est à noter que les commandités auront nécessairement le statut de commerçant et devront cotiser au régime de Sécurité Sociale des Indépendants.
L’intérêt de la formule consiste en la répartition du résultat, la quasi-totalité du résultat courant revenant aux commanditaires et le résultat exceptionnel aux commandités.
Cette partie du résultat exceptionnel revenant aux commandités correspondant au prix de vente du bien immobilier moins le résultat courant qui n’a pas été distribué faute de trésorerie et les apports en capital.
Les statuts devront également prévoir le sort des apports lors de la liquidation de la SCS.
Une variante, selon nous à éviter, est de limiter le résultat courant revenant aux commanditaires à la trésorerie et ainsi de réserver aux commandités la totalité du prix de cession moins éventuellement le remboursement des apports des commanditaires.
Le commanditaire sera la société d’exploitation locataire de la SCS et les commandités les associés de la société d’exploitation.
Or, le résultat courant est imposé à l’IS, alors que le résultat exceptionnel dégagé lors de la vente du bien immobilier relèvera de la fiscalité des plus-values des particuliers.
Ainsi, l’objectif de fiscalisation des revenus à l’IS, pendant la détention du bien immobilier et à l’IR lors de la vente sera atteint.
Pour illustrer les aspects fiscaux de l’acquisition immobilière à travers une SCS, vous pouvez vous reporter à cet exemple ci-dessous reprenant les mêmes hypothèses que celles indiquées plus haut,
Le capital de la SCS sera de 130 K€, identique à celui de la SCI démembrée, le commandité, apportant 70 K€ (montant identique aux apports dans la SCI à l’IR et à l’IS dans les exemples de mes précédentes publications) et le commanditaire, comme l’usufruitier, apportant 60 K€ sur fonds propres.
Les statuts de la SCS prévoient que les commanditaires ont droit à 95% des résultats courants, limités à la trésorerie et les commandités à 95% du résultat exceptionnel majoré des résultats non distribués au jour de la vente. Les commandités ont donc droit à 5 % des résultats courants et 95% du résultat exceptionnel, tels que définis précédemment.
Le commandité est associé de la société commanditaire, locataire des locaux, qui perçoit en dividendes, les dividendes reçus de la SCS grevés de l’IS sur la quote-part de frais et charges de 5% moins l’apport de 60 K€.
Vous pouvez vous reporter au tableau synthétique ci-dessous comparant les différentes formules étudiées dans mes publications précédentes.
Son intérêt principal est la comparaison entre le démembrement et la SCS.
Il apparait que la SCS est légèrement plus favorable que le démembrement ce qui peut s’expliquer par :
-
Le bénéfice du taux d’IS réduit pour la SCS, alors que dans le cadre du démembrement, le résultat de la SCI est imposé au taux normal compte tenu des résultats propres de l’usufruitier, société d’opérationnelle ;
-
l’imposition à l’IR et aux PS du prix de cession de l’usufruit ;
-
compensé partiellement par l’amortissement de l’usufruit temporaire.
Toutefois, nous tenons à préciser que nous avons décrit les schémas de démembrement et d’utilisation de la SCS tels qu’ils sont parfois exposés et pratiqués.
Cependant, nous considérons que ces schémas tels présentés ne sont pas sans risques fiscaux, indépendamment de l’abus de droit.
La SCI avec différentes catégories de parts
Nous terminons notre exposé sur les différents schémas fiscaux d’acquisition d’un bien immobilier professionnel, par la SCI avec 2 catégories de parts.
Une telle SCI avec différentes catégories de parts consiste à reproduire le mécanisme de la SCS, en prévoyant dans les statuts de la SCI deux catégories de parts. La première (parts A) donnant droit au résultat courant et la seconde (parts B) au résultat exceptionnel.
Le titulaire des parts A doit être une société relevant de l’IS, afin que le résultat courant de la SCI soit déterminé selon les règles de l’IS et imposable à cet impôt.
Les titulaires des parts B devront être des personnes physiques afin que la plus-value relève du régime des plus-values des particuliers.
Ainsi, la simple rédaction appropriée des statuts et la détention adéquate des diverses catégories de parts permet d’arriver à l’objectif recherché, d’imposition à l’IS pendant la détention du bien et à l’IR lors de sa revente.
En pratique, il existe peu de différences avec la SCS, c’est pourquoi, cette hypothèse n’est pas illustrée par un exemple et nous n’en ferons plus allusion dans nos prochaines publications où nous évoquerons, parfois par des positions personnelles, les contraintes que doivent respecter les schémas de démembrement de parts de SCI ou faisant intervenir une société en commandite simple.
LES CONTRAINTES FISCALES A RESPECTER DANS LES SCHEMAS DE DEMEMBREMENT DE SCI EN AYANT RECOURS A LA SCS
Nous considérons que les schémas de démembrement de SCI ou ayant recours à la société en commandite simple doivent respecter les contraintes suivantes :
- Déterminer la valeur des droits respectifs des intervenants de sorte qu’ils réalisent le même TRI ;
- Permettre une véritable distribution au profit de l’usufruitier ou du commanditaire, qui ne soit pas limitée à la trésorerie disponible ;
- Donner à l’usufruitier ou au commanditaire la perspective de réaliser une bonne opération pour des montants significatifs.
Nécessité de valoriser correctement les droits respectifs des différents intervenants
Il a été exposé plus haut que le démembrement de parts de SCI ou le recours à la société en commandite simple permet de conjuguer les avantages de la SCI à l’IR et à l’IS, sous réserve du respect de certaines contraintes, dont la correcte valorisation des droits des différents intervenants.
En réalité la valorisation rigoureuse s’impose en raison de la communauté d’intérêt existant généralement entre les parties.
La survalorisation de l’usufruit temporaire génère un avantage au profit du nu-propriétaire, généralement détenteur du capital de la société usufruitière, entrainant pour ce dernier une imposition en tant qu’avantage occulte.
A l’inverse, la sous-évaluation s’analyse en une libéralité au profit de l’usufruitier entrainant une imposition à l’IS.
Ces principes devraient également s’appliquer pour la valorisation des parts du commanditaire et du commandité.
Le principe de valorisation admis par l’administration et la jurisprudence de l’usufruit temporaire de parts sociales de SCI, est l’actualisation des flux futurs de trésorerie générés par la détention de l’usufruitier. En revanche, ce qui concerne le taux d’actualisation, qui est un élément essentiel, l’incertitude demeure sur le taux à utiliser.
En revanche, plus spécifiquement sur la valorisation d’un usufruit temporaire portant directement sur un bien immobilier, le Conseil d’Etat considère que le taux d’actualisation à retenir est celui qui offre le même taux de rendement TRI pour l’usufruitier et le nu-propriétaire.
Qu’en est-il pour la valorisation de l’usufruit portant sur des parts de SCI : Utilise-t-on le taux de marché pour un risque équivalent, difficile à déterminer, le taux de rendement du bien acquis ou le principe de réalisation d’un TRI identique ?
Dans les affaires jugées sur la valorisation de l’usufruit temporaire de parts sociales de SCI, l’administration s’est contentée de remettre en cause la valorisation retenue par les parties sans remettre en cause l’ensemble du schéma sur le fondement de l’abus de droit dans sa version à but exclusivement fiscal.
Le Conseil d’Etat a récemment réaffirmé, par un arrêt du 20 mai 2022, qu’il y avait lieu d’appliquer la méthode des flux de trésorerie actualisés.
Par cet arrêt, il valide la méthode de l’administration consistant à intégrer dans les flux de trésorerie, la part du résultat non versée en numéraire mais inscrite en compte courant.
Mais il ne donne toujours pas d’indication sur le taux d’actualisation à retenir.
Nous préconisons d’appliquer le principe retenu par le Conseil d’Etat pour valoriser l’usufruit temporaire portant directement sur un bien immobilier.
Ainsi, il y a lieu de retenir un taux d’actualisation qui conduit à ce que le nu-propriétaire et l’usufruitier de parts de SCI réalisent le même TRI.
Pour déterminer le TRI du nu-propriétaire, il faut partir du principe qu’il est procédé à la cession du bien immobilier à l’expiration du démembrement au prix d’achat majoré d’une indexation identique à celle du loyer.
Compte tenu d’un TRI important réalisé par le nu-propriétaire, généralement supérieur à celui du rendement du bien, le taux d’actualisation de l’usufruit devra être supérieur à celui de l’exemple ci-dessus, ce qui aura pour conséquence de minorer la valeur de l’usufruit et d’augmenter celle de la nue-propriété.
Mais corrélativement, le TRI du nu-propriétaire baissera.
En conséquence, le schéma s’avérera moins intéressant pour le nu-propriétaire, qui devra consentir un effort financier plus important pour financer la nue-propriété, mais en contrepartie, le risque fiscal sera atténué.
Les schémas d’acquisition immobilière en ayant recours à la société en commandite simple ne devrait pas s’échapper pas à cette règle des TRI identiques.
Il convient donc de s’assurer que la répartition du capital de la SCS entre les commandités et les commanditaires permet à ce qu’ils réalisent des TRI identiques.
C’est notamment en raison de la non application de ce principe dans les simulations précédentes, que nous considérons qu’elles présentent un risque fiscal.
En effet, il a été utilisé comme taux d’actualisation, le taux de rendement de 6% du bien immobilier, alors que le nu-propriétaire réalise un TRI de 15%.
Pour la SCS, il existe également un déséquilibre, mais qui est moins marqué,8% pour le commanditaire contre 14% pour le commandités.
Les conséquences fiscales méconnues de la limitation à la trésorerie de l’affectation du résultat dans les schémas de démembrement et d’utilisation des SCS
Ces conséquences fiscales sont en réalité très fâcheuses.
En effet, il est vrai que le financement par l’emprunt d’une acquisition immobilière conduit à ce que souvent tout ou partie du loyer soit utilisé à son remboursement.
Pour autant, le bénéfice comptable est supérieur à la trésorerie. Ainsi, lors de l’affectation, il peut être décidé la distribution soit :
• de la totalité du résultat, la partie correspondant à la trésorerie étant versée, le solde est alors inscrit en compte courant ;
• limitée à la trésorerie.
Afin d’éviter au nu-propriétaire ou commanditaire d’avoir à payer ultérieurement le compte courant, la tentation est grande de limiter à la trésorerie les dividendes revenant à l’usufruitier ou au commanditaire.
Cependant, quels intérêts pour ces derniers de renoncer à une partie de leurs droits ?
Il parait difficile de trouver une raison, d’autant plus qu’il existe une communauté d’intérêts entre les parties, le nu-propriétaire ou le commandité contrôlant la société usufruitière ou commanditaire.
Cette renonciation pourrait ainsi être considérée comme une libéralité constitutive d’un avantage occulte au sens des dispositions de l'article 111, c du CGI.
Pour éviter cet écueil, il est parfois prévu de limiter statutairement les droits à dividende de l’usufruitier ou du commanditaire à la trésorerie.
Pour autant, une telle clause présente un risque important au regard de l’article 8 du CGI.
En application de cet article, les commandités des sociétés en commandite simple sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. Si le commanditaire n’a pas droit à la partie du résultat au-delà de la trésorerie, c’est de fait et en pratique le commandité qui y a droit, le rendant ainsi imposable à l’IR dans la catégorie des revenus fonciers sur cette quote-part du résultat.
La problématique est donc identique pour le démembrement.
Il en résulte que le nu-propriétaire et le commandité seraient imposables en revenus fonciers sur la partie du résultat non distribué, ce qui ne serait pas exactement le but de l’opération.
Or, il semblerait que la conséquence sur le redevable de l’impôt n’est pas pris en compte, dans de nombreux schémas proposés, lorsqu’une telle clause statutaire de limitation des droits au résultat de l’usufruitier ou commanditaire était prévue.
Pour plus de sécurité dans ces schémas de démembrement, la distribution de la totalité du résultat devrait être prévue, la partie excédant la trésorerie étant inscrite en compte courant, qui sera payée à l’expiration du démembrement.
Ce paiement du compte courant rend certes le schéma moins intéressant pour le nu-propriétaire et le commandité, mais permet par ailleurs d’augmenter le TRI de l’usufruitier et du commanditaire, en considérant que ce compte courant est payé à l’expiration du démembrement ou à l’occasion de la vente du bien immobilier dans le cas de la société en commandite simple.
Intérêt de la société d’exploitation à participer au schéma d’acquisition de son immobilier professionnel
Il a été évoqué dans les précédents exposés, que dans l’hypothèse où un dirigeant acquiert l’immobilier d’exploitation de sa société, il peut avoir recours à la SCI à l’IS ou à l’IR, mais avec certains inconvénients qui ont également déjà été évoqués.
Dans une optique d’optimisation fiscale, le dirigeant peut également avoir recours au démembrement de parts de SCI ou à de la société en commandite simple.
Mais, en raison de la communauté d’intérêts existant entre les parties, ces derniers schémas ne peuvent être mis en place à l’avantage des personnes physiques.
Il est donc impératif que la société d’exploitation trouve un intérêt significatif à sa participation à l’opération.
Ainsi, il a déjà été indiqué que pour déterminer la valeur respective des droits du nu-propriétaire et du commandité d’une part, et de ceux de l’usufruitier et du commanditaire d’autre part, qu’il est nécessaire que les parties prenantes réalisent un TRI équivalent.
Mais pour autant, ce n’est pas suffisant.
En effet, réaliser un TRI important sur un faible investissement n’est pas significatif et ne peut justifier l’intérêt de l’usufruitier ou du commanditaire de participer à l’opération.
Toutefois, ce caractère significatif peut être mesuré à l’aune du montant du loyer que le locataire, également usufruitier ou commanditaire paye.
A titre de règle pratique, dès lors que le bénéfice généré par la détention de l’usufruit ou des parts du commanditaire excède sur la période 20% du loyer, cet intérêt doit être considéré comme acquis.
Ainsi en participant à l’opération, l’usufruitier ou le commanditaire diminue d’au moins 20% le coût d’occupation de ses locaux, ce qui parait significatif.
Mais bien évidement, le montant du loyer doit correspondre à la valeur locative, car en effet, si le loyer est surévalué, l’intérêt de la société d’exploitation sera neutralisé.
Il est vrai que ce taux de 20% soit arbitraire mais il n’est pas inconnu des fiscalistes.
En effet, selon le rapporteur public de l’arrêt du Conseil d’Etat du 3 juillet 2009, n° 301299, un écart de moins de 20 % entre le prix de transaction et la valeur vénale réelle estimée n'est pas significatif.
Abus de droit et acquisition par l’intermédiaire d’une SCI démembrée ou d’une société en commandite simple
L’abus de droit est le principal risque fiscal évoqué à l’encontre des schémas de démembrement de parts de SCI.
Mais ce n’est pas le seul car l’administration peut se contenter de contester la valorisation retenue des droits démembrés ou encore tirer les conséquences d’une rédaction inadaptée des clauses statutaires concernant l’affectation du résultat.
Concernant les schémas faisant intervenir une société en commandite simple, notamment en ce qui concerne l’abus de droit, son statut hybride ne la mettant pas naturellement à l’abri.
Or, les décisions de jurisprudence n’apportent de position définitive en ayant reconnu ou rejeté l’abus de droit selon que des cas d’espèces.
En effet, la jurisprudence récente ne s’est pas prononcée sur l’abus de droit relatif à un démembrement de parts des SCI, elle a seulement statué sur la valorisation de l’usufruit temporaire (CE 30 septembre 2019 n° 419855, CAA Nantes 26 novembre 2020 n°n°19NT03876 et encore récemment CE, 20 mai 2022, n° 449385), arme que l’administration avait choisie plutôt que l’abus de droit.
Or, pour ce qui concerne les avis du comité de l’abus de droit fiscal, les cas où il a considéré les démembrements de parts de SCI comme abusifs étaient caricaturaux. A l’inverse, il a admis dans un avis du 23 juin 2016 que le démembrement répondait, indépendamment de l’économie fiscale procurée à des préoccupations familiales et patrimoniales.
On ne peut conclure, comme cela est indiqué quelque fois, que les schémas de démembrement de parts de SCI tombent systématiquement sous le coup de l’abus de droit, ancienne formule (but exclusivement fiscal).
Qu’en est-il avec l’abus de droit, nouvelle formule, à but principalement fiscal ?
En réalité, il impose à plus de rigueur en respectant les principes énoncés plus haut à savoir :
- Déterminer la valeur des droits respectifs des intervenants de sorte qu’ils réalisent le même TRI ;
- Permettre une véritable distribution au profit de l’usufruitier ou du commanditaire, qui ne soit pas limitée à la trésorerie disponible ;
- Donner à l’usufruitier ou au commanditaire la perspective de réaliser une bonne opération pour des montants significatifs.
Certes, le respect de ces principes minore l’intérêt fiscal pour le nu-propriétaire ou le commandité, mais ces schémas demeurent plus intéressants que la SCI classique à l’IR ou à l’IS.
Ils permettent surtout d’avoir à opposer à l’administration des arguments sérieux à l’encontre de la mise en œuvre de la procédure d’abus de droit.
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