L’échange de renseignements sur demande
L’échange de d’informations prévu par la plupart des conventions, dont la France est partie, correspond au modèle OCDE dans sa version de juillet 2010, résultant de modifications successives intervenues au cours des quinze années précédentes.
Cette clause prévoit un échange d’informations sur demande, qui impose, lorsqu'une administration fiscale soupçonne un cas d'évasion fiscale, d’adresser une demande détaillée et argumentée au fisc du pays concerné, s’opposant ainsi à la "pêche aux renseignements", dès lors que les demandes ne peuvent être d’ordre général et impersonnel.
En ce qui concerne plus spécifiquement la détention de comptes bancaires par des non-résidents, la norme OCDE de l’époque ne permet pas de se prévaloir du secret bancaire, mais les demandes doivent comporter le nom et l’adresse du contribuable faisant l’objet de la demande et le nom de la banque susceptible de tenir le compte bancaire.
La France a alors mis à jour son réseau de conventions fiscales, afin d’y introduire cette norme OCDE de juillet 2010 sur l’échange de renseignements.
C’est ainsi qu’elle a introduit cette norme par des avenants dans les conventions fiscales conclues notamment avec des pays réputés pour leur secret bancaire tel que la Suisse, l'Autriche, la Belgique, le Luxembourg et Singapour.
Elle a également conclu des accords d'échange de renseignements avec un grand nombre de pays ou territoires considérés comme des « paradis fiscaux ». La liste fourni par l’administration fiscale (BOI-ANNX-000307-20120912) est la suivante : Andorre, Anguilla, Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, Belize, les Bermudes, Costa-Rica, Dominique, Gibraltar, Grenade, Guernesey, Ile de Man, Iles Caïmans, Iles Cook, Iles Turques et Caïques, Iles Vierges britanniques, Jersey, Liberia, Liechtenstein, Saint-Christophe-et-Niévès, Sainte-Lucie, Saint-Marin, Saint-Vincent-et-les- Grenadines, Uruguay et Vanuatu.
Une nouvelle mise à jour de la norme OCDE a été adoptée le 17 juillet 2012 assouplissant les conditions de précision de la demande d’assistance. Il est désormais admis que la demande d’un Etat puisse porter sur un groupe de contribuables et il n’est plus exigé une identification précise du contribuable faisant l’objet de la demande de renseignements ou de la personne susceptible de détenir l’information.
Qu’en est-il de l’échange de renseignements ou d’informations entre la France et la Suisse ?
La clause d’échange de renseignements applicable entre la Suisse et la France résulte d’un avenant du 27 août 2009, entrée en vigueur le 4 novembre 2010 et applicable aux demandes d'échange de renseignements concernant toute année civile ou tout exercice commençant à partir du 1er janvier 2010.
Cet avenant se réfère à l'article 26 du modèle OCDE de 2005 et permet donc de lever le secret bancaire Suisse, mais sans pour autant aller à la pêche aux renseignements, avec des demandes d’ordre général et impersonnel.
Ainsi, la France ne peut demander à la Suisse, la liste de tous les résidents français détenant un compte dans une banque déterminée. La demande doit comprendre un certain nombre d’éléments précis tel que l’identification du contribuable présumé détenir un compte en Suisse et permettant d’identifier la banque détentrice du compte.
Toutefois, afin de renforcer leur coopération en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, la France et la Suisse ont conclu le 25 juin 2014, un avenant à la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 en matière d’impôts sur le revenu et la fortune relatif à l’échange de renseignements.
Cet avenant, entré en vigueur le 30 mars 2016, (communiqué de presse de Département fédéral suisse) permet de porter le dispositif de l’échange d’informations sur demande entre la France et la Suisse au niveau de la norme OCDE du 17 juillet 2012.
Ainsi, les contribuables faisant l'objet d'une demande d'assistance administrative individuelle de la part de la France peuvent désormais être identifiés par des éléments autres que leur nom ou leur adresse, de même il ne sera plus nécessaire d'indiquer obligatoirement le nom de la banque Suisse dans laquelle le contribuable visé par la demande de renseignements serait susceptible de détenir un compte, ce que ne permet pas encore la convention actuellement applicable.
En vertu de l’avenant, la France peut désormais formuler à la Suisse des demandes groupées. Ainsi, si par exemple, elle a identifié des transactions réalisées en France, impliquant des cartes bancaires émises par une banque suisse, qui par la fréquence et la configuration des transactions et le type d’utilisation suggèrent que les titulaires sont des résidents fiscaux français, mais qui est dans l’impossibilité de les identifier pourrait obtenir des autorités suisses, leur nom et adresse.
Cet avenant, en vigueur depuis le 30 mars 2016, a un effet rétroactif au 1er janvier 2010 pour les demandes individuelles et au 1er février 2013 pour les demandes groupées, date de l'entrée en vigueur de la loi fédérale suisse sur l'assistance administrative internationale en matière fiscale.
Il aura vraisemblablement des conséquences importantes pour les personnes ayant clos leur compte en Suisse à partir du 1er février 2013. En effet,il est peu probable que la France se prive de demander à la Suisse, au titre des demandes groupées, le nom des contribuables ayant clos leur compte dans une banque déterminée à partir de 2013.
La France suivrait alors l’exemple Hollandais. En effet, sur la même base des demandes groupées, l’Administration fédérale des contributions (AFC), l’administration fiscale Suisse, a fait part le 22 septembre 2015, que les Pays-Bas ont effectué le 23 juillet 2015, une demande d’assistance administrative à la Suisse demandant de fournir des informations concernant des personnes physiques dont le nom n’est pas connu et qui, durant la période du 1er février 2013 au 31 décembre 2014, remplissent tous les critères suivants:
a. La personne était le/la titulaire du compte/de plusieurs comptes auprès de UBS Switzerland AG (anciennement UBS AG);
b. Le/la titulaire du compte disposait (selon la documentation bancaire interne) d’une adresse de domicile aux Pays-Bas;
c. UBS Switzerland AG a envoyé au/à la titulaire du compte un courrier l’informant que, si le formulaire «Fiscalité de l’épargne de l’UE –Autorisation de divulgation volontaire» («EU-Zinsbesteuerung – Ermächtigung zur freiwilligen Offenlegung») n’était pas signé et retourné à la banque dans le délai imparti ou si la conformité fiscale de la personne concernée n’avait pas pu être prouvée d’une autre manière, cela conduirait la banque à résilier la relation d’affaire;
d. En dépit de la remise du courrier d’information de l’UBS Switzerland AG, le/la titulaire n’a pas fourni de preuves suffisantes à la banque de sa conformité fiscale.
Seuls les comptes dont le solde n’a jamais dépassé 1 500 € échappent à la demande.
L'Administration fédérale des contributions (AFC), considère qu’une telle demande ne constitue pas une pêche aux renseignements. A cette occasion, Monsieur Alexandre DUMAS, adjoint au directeur suppléant de l’AFC a exposé, lors de la conférence du 24 mars 2016 organisée par l’IACF (Institut des Avocats Conseils Fiscaux) sur l’échange automatique d’informations applicable aux personnes physiques, que son administration considère qu’une demande ciblant les contribuables n’ayant pas justifié leur conformité fiscale et ayant clos leur compte est assez précise pour que la liste communiquée ne comprenne qu’un petit nombre de contribuables en conformité avec les règles fiscales du pays demandeur.
Ce point de vue est conforme à la mise à jour des commentaires de l’article 26 du modèle de convention fiscale adoptée par le conseil de l’OCDE le 17 juillet 2012, qui a notamment précisé l’interprétation de la norme de « pertinence vraisemblable », en énonçant que la norme exige qu’au moment où la demande est formulée, il doive y avoir une possibilité raisonnable que les renseignements demandés se révèleront pertinents (afin de répondre à l’objectif de la demande) et que l’Etat requérant justifie les raisons faisant penser que le groupe de contribuables concerné n’a pas respecté la loi fiscale.
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L'AFC a indiqué qu’elle avait accepté en novembre 2015, la demande des Pays Bas et aurait ainsi communiqué l’identité d’une centaine d’anciens clients Hollandais d’UBS. Toutefois, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a, le 21 mars 2016, jugé que la Suisse ne pouvait faire droit à la demande des Pays Bas en considérant que le protocole de la convention bilatérale de double imposition de 2010 exclut les demandes groupées sans indication de nom. L’AFC, considérant notamment que la Suisse et les Pays- Bas ayant conclu, le 31 octobre 2011, un accord amiable précisant que les personnes visées par une demande groupée peuvent être identifiée par d’autres moyens que le nom et l’adresse, a fait appel de la décision du TAF devant le Tribunal Fédéral.
Le Tribunal Fédéral a admis le 12 septembre, le recours de l’AFC par un arrêt en date du 16 septembre 2016. Il a considéré, le fait que les noms ne doivent pas nécessairement être mentionnés résulte aussi du but de la convention entre le Suisse et les Pays Bas, qui consiste, selon son protocole à à " assurer un échange de renseignements en matière fiscale qui soit le plus large possible, sans qu'il soit pour autant loisible aux Etats contractants de procéder à une « pêche aux renseignements ». En conséquence, la porte est ouverte aux demandes groupées sans indication de nom.
De son côté, la France a fait application de cet avenant, en adressant le 11 mai 2016, une demande d’assistance administrative à la Suisse afin de connaitre les noms du titulaire de comptes, des ayants économiques ou des personnes leur venant aux droits, figurant sur une liste annexée à la demande française, sur laquelle figure les références bancaires de compte ouverts auprès de l’UBS et portant un code domicile France. Il est à noter que cette liste est la compilation de deux listes établies par UBS SA en 2006 et 2008, qui auraient été fournies à la France par l’Allemagne.
Outre l’identité, la demande française porte sur les soldes des comptes bancaires au 1er janvier des années 2010 à 2015. La demande ne porte pas sur les comptes clos avant 2010.
Par ailleurs, l est probable, que la France utilisera la procédure des demandes groupées, afin de « rattraper » les contribuables français ayant clôturé leur compte en Suisse depuis le 1er février 2013 et qui pensaient ainsi échapper à l’échange automatique d’information.
L’échange automatique de renseignements
En dépit des mesures successives de renforcement du dispositif d’échange de renseignements sur demande, cette arme montre ces limites dans la chasse aux avoirs à l’étranger non déclarés.
C’est pourquoi, sous l’impulsion des réunions successives du G20, la communauté internationale a adopté le principe de l’échange automatique de renseignements, en fait un échange automatique d’informations bancaires, comme norme et a demandé à l’OCDE de présenter un rapport pour l’élaboration d’une norme multilatérale.
L’OCDE a donc élaboré la norme d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers, qui a été approuvé et mis en diffusion générale le 17 janvier 2014 par son Comité des affaires fiscales.
Elle a publié, le 21 juillet 2014, la version complète de la norme mondiale d’échange automatique de renseignements, qui comporte les modalités techniques de son application et surtout son commentaire interprétatif.
A l’occasion de la réunion du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales qui s’est tenue à Berlin, 29 octobre 2014, cette norme a été adoptée par tous les pays de l’OCDE et du G20 ainsi que par des grands centres financiers.
De son côté, le Conseil des ministres des finances de l’Union Européenne a décidé, le 13 octobre 2014, d’appliquer la norme OCDE de l’échange automatique de renseignements et conséquence de ne plus la limiter aux seuls intérêts et produits d’assurance vie.
Nature de l’échange automatique d’informations
La norme OCDE concernant l’échange automatique d’informations consiste pour les banques et plus généralement les institutions financières dans lesquelles des comptes bancaires ont été ouverts par des non-résidents, y compris à travers des structures interposées, de transmettre le montant de tous types de revenus d’investissement, (intérêts, dividendes, revenus de contrats d’assurance vie et assimilés) mais aussi les soldes de comptes et produits de ventes d’actifs financiers à leur administration fiscale, qui transmet ces informations à l’administration fiscale des pays de résidence des détenteurs de comptes.
Ainsi, l’administration fiscale française sera en mesure de connaitre, chaque année, pour les avoirs détenus par des résidents français dans une banque située dans un pays participant à l’échange automatique de renseignements non seulement le montant des intérêts et dividendes perçus, mais aussi le montant des avoirs détenus et montant des cessions des valeurs mobilières. Il n’y aura donc plus de différences significatives d’information relatives à des comptes bancaires détenus dans une banque située en France ou dans un pays ayant accepté l’échange automatique d’information avec la France.
L’échange automatique d’informations porte également sur les bénéficiaires de structures telles que les trusts, les fondations ou les sociétés établies dans des paradis fiscaux.
Le but de l’échange automatique d’informations fiscales est de permettre aux autorités fiscales du pays de résidence du contribuable de vérifier que ce dernier a bien déclaré ses revenus et plus values provenant d’un compte détenu à l’étranger et le montant des avoirs qui y figure.
Ainsi détenir un compte bancaire y compris à travers une structure opaque (société écran, trust, fondation) dans un pays appliquant l’échange automatique d’informations avec la France ne présente aucun intérêt pour le contribuable, qui voudrait dissimuler des revenus financiers ou une partie de ses avoirs.
Date d’application de l’échange automatique de renseignements
Dans le cadre de l’Union Européenne, l’échange automatique d’information sera applicable à compter du 1er janvier 2015 et du 1er janvier 2017.
A compter du 1er janvier 2015, l’échange automatique de renseignements portera principalement sur les intérêts perçus et produits d’assurance vie. Il concernera donc le Luxembourg qui a accepté, le 10 avril 2013, le passage à l'échange automatique d'informations dans le cadre de la directive actuelle.
A la suite de l’accord du Conseil des ministres des finances de l’Union Européenne du 13 octobre 2014, l’échange automatique de renseignements portera, à compter du 1er janvier 2017, sur l’ensemble des informations prévues par la norme OCDE, sur des informations collectées en 2016.
Hors du cadre de l’Union Européenne, l’échange automatique d’information sera applicable dans plus de 80 pays à compter en 2017 ou 2018 selon les pays, dont certains réputés pour leur secret bancaire ou leur opacité tels que le Liechtenstein, Jersey, les Bahamas, les Bermudes, les Îles Caïmans ou les Îles Vierges britanniques.
En ce qui concerne spécifiquement la Suisse, elle a signé avec l'OCDE, le 15 octobre 2013, la convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale prévoyant l’échange automatique de renseignements.
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La Suisse a conclu, le 19 mars 2015, un accord avec l’UE, visant à introduire la norme internationale, telle qu’arrêtée par l’OCDE, d’échange automatique de renseignements en matière fiscale. En application de cet accord, la collecte des données bancaires sera effectuée dès 2017, avec un échange d’informations en 2018, entre la Suisse et les 28 pays membres de l’UE, sous réserve que les procédures d’approbation soient terminées d’ici là en Suisse et dans l’UE.
Sauf à valoir et à pouvoir transférer leurs fonds dans des pays ne s’étant pas engagés à appliquer l’échange automatique de renseignements tel que le Panama, les contribuables détenteurs de comptes en Suisse, qui refusent la régularisation et qui auraient réussi à éviter la clôture de leur compte vont devoir se rendre à l’évidence et accepter la régularisation avant que l’administration dispose des outils permettant de découvrir leur compte. Le fait de retarder la régularisation en espérant gagner un an de prescription est une erreur dès lors, qu’avec l’allongement à 10 ans de la prescription relative aux comptes étrangers non déclarés, ce n’est qu’à partir de 2017 qu’au titre de l’impôt sur le revenu l’année 2006 et à partir de 2018 au titre de l’ISF et des droits de succession que la prescription sera acquise.
En ce qui concerne, les régularisations fiscales de comptes détenus à l’étranger, nous mettons à votre disposition nos différents dossiers concernant les régularisations fiscales de comptes détenus à l’étranger : « Régularisation fiscale des comptes à l’étranger » « Coût de la régularisation fiscale des comptes à l’étranger : Exemples pour un compte en Suisse ou au Luxembourg », « Modalités pratiques de la régularisation fiscale » et « Notre intervention et nos honoraires pour le traitement d’une régularisation fiscale de compte à l’étranger ».
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