La cession d’entreprise qui bien souvent passe par la vente des titres de la société plutôt que celle des actifs sociaux, génère une plus-value qui supportera de plein droit la flat tax de 12,8 % à laquelle s'ajoutent 17,2 % de prélèvements sociaux, soit une imposition totale de 30 %, pouvant évoluer à 34 %, du fait de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.
Pour les titres acquis avant 2018, l’option pour une imposition au barème progressif de l’IR et aux prélèvements sociaux de 17,2% permet de se jouir selon la durée de détention d’un abattement de droit commun de 50% ou 65%, d’un abattement renforcé de 50% 65% ou 85 % en cas de cession de titres de PME souscrits ou acquis dans les 10 ans de sa création, ou de cession au sein du groupe familial de participations excédant 25 % des droits dans les bénéfices sociaux, qui vient le cas échéant s’appliquer sur la plus-value diminuée d’un abattement fixe de 500 000 € profitant au dirigeant prenant sa retraite. En pratique, l’option pour le barème n’est vraiment intéressante que s’il est possible de bénéficier de l’abattement renforcé de 85%. Nous mettons à votre disposition sur ce site un simulateur calcul des plus-values mobilières qui permet de déterminer si l’option pour le barème ou pour l’abattement pour départ à la retraire est véritablement opportun.
Il est clair que le poids de la fiscalité dans la cession d’entreprise est loin d’être négligeable. Il peut toutefois être atténué pourvu que la cession soit précédée par l’élaboration d’une stratégie patrimoniale et fiscale bien ficelée. C’est l’occasion de mettre en œuvre la faculté de faire le choix, entre plusieurs options, de la voie la moins onéreuse fiscalement.
Nous vous proposons, dans cet article, 3 schémas d’optimisation de la cession d’entreprise.
LA DONATION AVANT CESSION
Le chef d’entreprise désireux de céder sa société pour en transmettre tout ou partie du produit de la vente à ses enfants, trouvera grand intérêt à inverser l'ordre des opérations. Plutôt que de vendre et donner pour avoir à payer et l’impôt sur la plus-value et les droits de donation, il gagnera à faire la donation de tout ou partie de la société à charge pour les donataires de vendre et s’en approprier le prix.
La donation cession, est un mécanisme fiscalement intéressant de purge de la plus-value, l’impôt n’étant dû plus qu’au titre des droits de donation. En effet la plus-value ressortant de la différence entre la valeur de l’entreprise au jour de la donation et le prix de cession sera en pratique nulle puisque le bien n’aura pas pris de valeur dans l’intervalle en raison de la proximité des opérations de donation et de cession. La stratégie peut ainsi aboutir à l’effacement d’une plus-value importante accumulée au cours des longues années de labeur du chef d’entreprise ayant créé sa société avec une mise de départ très faible.
Il est possible de maximiser le gain fiscal en laissant au donataire la charge des droits de donation. En pratique, le donateur a tendance à supporter ces droits en principe dus par le donataire, car c’est un moyen de transmettre de la liquidité en franchise d’impôt. Pourtant, la charge des droits de donation va d’autant majorer le prix d’acquisition par définition identique au prix de cession et ainsi permettre au donataire de constater une moins-value mobilière qu’il pourra compenser avec des plus-values mobilières constatées au cours de la même année ou des 10 années suivantes. Toutefois cet avantage serait sans effet, si le donataire ne dégage pas de plus-value mobilière au cours des 10 années, c’est pourquoi, le recours à la donation en nue-propriété est préférable et elle permet également au donateur de conserver du revenu et le contrôle sur le remploi des titres donnés. Précisons toutefois que cette faculté ne s’ouvre qu’en cas de transmission d’une société d’exploitation et non d’une SCI, l’imputation des moins-values sur les plus-values n’étant pas admise en matière immobilière (cession de biens ou de droits immobiliers).
Une stratégie d’optimisation patrimoniale aussi efficace suscitera naturellement des interrogations sur l’appréhension de cet outil par l’administration qui scrute attentivement les schémas d’optimisation de transmission du patrimoine. La proximité de la cession suivant la donation ne reposerait-t-elle pas sur une motivation principalement fiscale constitutive d’un abus de droit, ou encore le fait de choisir de donner avant de vendre ? Là-dessus la jurisprudence se positionne de façon constante du côté du contribuable. Le Conseil d’État a admis le principe de la validité de la stratégie de la donation-cession, au regard de l’abus de droit par fraude, sous réserve que la donation soit effective et non simulée, ce qui signifie que le donateur ne doit pas de réapproprier le prix de cession des biens donnés au risque de tomber sous le coup d’un abus de droit par simulation. Par ailleurs, la donation doit être antérieure à la vente, ce qui ne serait pas le cas, si un accord sur la chose et le prix était intervenu avant la donation, dans ce cas, la donation ne porterait pas sur les titres mais sur le prix de vente.
Fort de notre expérience dans l’accompagnement de notre clientèle dans le domaine de la donation-cession, nous avons élaboré des outils détaillés uniques disponibles en partie sur notre site vous permettant d’obtenir une estimation très précise du gain d’impôt optimal à réaliser grâce à ce mécanisme : Simulateur donation vente.
L’APPORT-CESSION
Le mécanisme de l’apport-cession est une pratique courante dans la transmission d’entreprise aussi fiscalement intéressante. Elle consiste pour l’associé, personne physique, à apporter ses droits sociaux (en général des parts de SARL ou des actions de SAS) à une société assujettie à l’IS dont il a le contrôle, avant que cette dernière ne cède les droits reçus.
La plus-value constatée en amont lors de l’apport, en principe taxable, est placée de plein droit sous un régime du report d’imposition s’agissant aussi bien de l’IR que des prélèvements sociaux, sous réserve de réunir certaines conditions. La cession emporte des effets et des contraintes différentes selon qu’elle intervient à plus ou moins long.
Cession à court terme
Dans cette première hypothèse, la vente des titres apportés intervient dans un bref délai à l’issu de l’apport. Se faisant à la valeur d’apport, l’opération ne dégage pas de plus-value imposable, mais déclenche l’exigibilité la plus-value d’apport en report d’imposition, sauf réinvestissement dans une activité économique. Le bénéfice du report est, en effet, conservé lorsque la société s’engage à réinvestir au moins 60 % du produit de la vente, dans un délai de 2 ans, dans le financement d'une activité éligible qui peut être soit :
L’acquisition de moyen d’exploitation de sa propre activité économique, à savoir commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, à l’exclusion de toute activité de gestion de patrimoine mobilier et immobilier même s’il s’agit d’une location meublée. Il peut s’agir d’une activité créée ou acquise à la suite de l’achat d’un fonds de commerce par exemple.
L’acquisition d’une fraction du capital d’une ou plusieurs sociétés à l’IS exerçant une telle activité et établies dans un État membre de l‘Espace Economique Européen (EEE) ayant pour effet de conférer à l’issue de l’acquisition à la société investisseuse, le contrôle de la société dont elle acquiert partie du capital. En pratique, l’acquisition doit, en général, porter sur la majorité du capital.
La souscription en numéraire au capital initial ou à l'augmentation de capital d'une ou plusieurs sociétés exerçant une activité économique éligible ou d’une holding active détentrice d’une telle société ou encore d’une holding ayant pour objet social exclusif de détenir des participations dans des sociétés exerçant une activité économique, toutes à l’IS et établies dans un État membre de l'EEE. Une prise de participation minoritaire est suffisante contrairement à l’hypothèse précédente.
La souscription de parts ou actions de certaines structures d’investissement procédant à des appels de fonds progressifs, fonds communs de placement à risques (FCPR), fonds professionnels de capital investissement (FPCI), de sociétés de libre partenariat (SLP) et de sociétés de capital-risque (SCR) ou d'organismes similaires à ces entités établis dans un autre État membre de l'EEE.
Il faut noter que le remploi peut également être complété par la souscription au capital de sociétés cotées à l’occasion d’une augmentation de capital.
Quel que soit le mode de réinvestissement retenu, les biens ou titres acquis doivent être conservés pendant au moins 12 mois sauf le cas particulier du réinvestissement indirect dans les véhicules de capital-investissement (4ème cas).
Il faut noter que le bref délai de 24 mois dans lequel doit être investi 60% du produit de la cession, la nature strictement définie des investissements éligibles, la perspective du long terme dans laquelle ils doivent s’inscrire et les nombreuses obligations déclaratives mises à charge aussi bien de l’apporteur que de la société bénéficiaire de l'apport que nous n’évoquerons pas dans cet article sont autant de contraintes à prendre en compte avant la mise en œuvre d’un apport cession.
Elles peuvent être évitées par une anticipation de l’apport 3 ans avant la cession.
Cession plus de 3 ans après l’apport
L’apport consenti 3 ans au moins avant la cession des titres permet de bénéficier du report d’imposition tout en étant dispensé de la contrainte du réinvestissement. Dans cette hypothèse, contrairement à la cession à brève échéance, la plus-value de cession n’est purgée qu’à raison de l’augmentation de valeur des titres entre la date d’entrée dans le patrimoine de l’apporteur et celle de l’apport. La prise de valeur enregistrée depuis l’apport, seule sujette à taxation, bénéficiera du régime des titres de participation et ne sera donc imposée que sur 12% de son montant.
Toutefois, l’appréhension du cash issu de la cession par l’apporteur rendrait exigible la flat tax au taux de 30%, annihilant ainsi l’intérêt du schéma. La société gagnerait donc à conserver les liquidités. Même si l’apporteur ne pourra certes pas en disposer directement pour acquérir une résidence ou s’offrir un tour du monde, il aura la latitude d’investir à travers la société en jouissant d’une totale liberté dans le choix de l’investissement contrairement au cas de figure précédent. Ce schéma s’inscrit donc dans une logique de réinvestissement, celle de faire du capital, non grevé de la fiscalité sur la plus-value, une source de revenus futurs.
L’EXIL FISCAL : L'EXIT TAX
L’exit tax est un dispositif anti-abus visant à dissuader l’optimisation de la fiscalité patrimoniale par le changement de sa résidence fiscale motivé par la recherche d’une imposition plus légère ou même une absence de plus-value de cession, par exemple en cas de résidence fiscale en Belgique. Après son abrogation en 2005, puis sa réintroduction en 2011, le dispositif a fait l’objet d’aménagements en 2019 qui présentent un intérêt considérable pour la cession d’entreprise.
Concrètement, les personnes physiques détenant des titres représentant au moins 50 % des bénéfices d’une société ou valorisés à plus de 800 K€ en transférant leur domicile fiscal hors de France après y avoir été fiscalement domiciliés de manière continue ou discontinue pendant au moins 6 des 10 années précédant le transfert, deviennent redevables de la flat tax au taux de 30 %. Le prélèvement est appliqué sur les plus-values latentes, c’est à dire l’accroissement de valeur entre l’acquisition des titres et la date du transfert du domicile.
L’exit tax n’est toutefois pas immédiatement due, un sursis de paiement expirant à la cession des actifs est accordé sur la demande expresse et des constitutions de garanties lorsque le pays d'accueil est considéré comme non coopératif par la France. Le sursis permet d’acquitter l’impôt seulement lors la plus-value théorique vient à être réaliser du fait de la vente des titres.
L’exit tax dû sur les plus?values latentes fait l’objet d’un dégrèvement, à l'expiration d'un délai qui de 15 ans suivant la date du départ a été réduit par la loi de finances 2019 à 2 ans, ou à 5 ans pour les contribuables dont la valeur globale des titres excède 2 570 K€ à la date du transfert. En pratique, l’impôt s’éteint si dans les 2 ou 5 ans, selon le cas, après le départ, les titres pour lesquels ces plus?values ont été constatées ne sont ni vendus, ni rachetés, ni remboursés ou annulés, et ne font pas l’objet d’une donation. La donation ne remet en cause le sursis seulement que si le donateur s’est installé dans un Etat non coopératif et qu’il ne démontre pas que la donation n'a pas pour but principal d'éluder l'impôt.
La réduction du délai de dégrèvement se présente donc comme une aubaine pour le chef d’entreprise qui, attiré par l’aventure à l’étranger où qui y réside déjà, envisage céder son entreprise, de réaliser son projet à un coût moindre fiscal, du moins si la fiscalité de sa terre d’accueil est plus favorable.
Si l’assouplissement de la durée de détention ouvrant droit au dégrèvement peut redonner un attrait au transfert du domicile, il faut savoir que de l’exit tax est un dispositif très encadré qui impose le respect d’obligations déclaratives fleuves strictes et très techniques aussi bien en amont qu’en aval du transfert du domicile et l’accomplissement de formalités administratives. Mais surtout, le transfert impose de diriger la société à céder de l’étranger, ce qui n’est pas facile et impose de ne plus disposer de résidence en France, au risque de voir le statut de non résident remis en cause.
|