L’introduction de l’abattement pour durée de détention ne s’est pas faite sans poser certaines difficultés au regard notamment de l’imputation des moins-values sur les plus-values de même nature. En effet, afin de favoriser les prises de risque dans les investissements, la loi prévoit la possibilité d’imputer les moins-values d’une année sur les plus-values de même nature et de la même année ou bien encore des dix années suivantes (on parle alors de moins-values en report).
L’Administration fiscale a fait une articulation très contestée des deux mécanismes. Elle considérait qu’il fallait d’abord appliquer l’abattement sur les plus-values et sur les moins-values de l’année. Qu’il fallait ensuite imputer les moins-values de l’année sur les plus-values de l’année. Et enfin il fallait imputer les éventuelles moins-values en report.
Il était donc appliqué les abattements pour durée de détention sur les moins-values, qui s’en trouvait diminuée d’autant. Ainsi, une moins-value de 100 constatée sur des titres détenus depuis plus de 8 ans ne sera prise en compte qu’à hauteur de 35 pour s’imputer sur des plus-values ayant ou non bénéficier de l’abattement pour durée de détention.
La position de l’administration avait sa logique, elle voulait notamment éviter qu’une véritable plus-value nette ne soit pas imposée. Ainsi, un contribuable qui réalise une plus-value de 200 bénéficiant d’un abattement de 50% et une moins-value de 100 sur des titres avec une durée identique à celle des premiers, ne supporterait aucune imposition, s’il n’était pas appliqué d’abattement sur la moins-value, alors qu’il a réalisé véritablement une plus-value.
La doctrine administrative vidait quelque peu la loi de son objet et pouvait conduire des contribuables à céder des titres en moins-value latente avant qu’il soit appliqué un abattement pour durée de détention.
Un recours pour excès de pouvoir a été porté devant le Conseil d’Etat à l’encontre de la doctrine administrative selon laquelle l’abattement pour durée de détention s’appliquait aux moins-values était illégale.
Par une décision du 12 novembre 2015, le Conseil d’Etat est venu donner tort à l’administration et a fourni une nouvelle lecture de la loi.
Il convient de suivre un raisonnement en trois étapes.
D’abord on constate la plus-value et le taux de l’abattement pour durée de détention applicable (sans l’appliquer néanmoins).
Ensuite, il convient d’imputer sur la plus-value, une moins-value de l’année ou antérieure.
Enfin, on applique l’abattement sur le solde.
Ainsi, le Conseil d’Etat considère que l'abattement ne s’applique qu'au montant de la plus-value qui subsiste après que le contribuable a imputé les moins-values dont il dispose.
Par ailleurs le Conseil d’Etat consacre une grande liberté quant à l’imputation des moins-values, le contribuable peut choisir d’imputer les moins-values sur les plus-values les moins abattues et pour le montant qu’il souhaite.
Par cette décision, le Conseil d’Etat met fin au risque de cession précoce pour éviter les abattements pour durée de détention sur les moins-values.
Mais il en résulte une conséquence défavorable pour le contribuable. En effet, comme l’abattement s’applique sur le solde de plus-value après l’imputation des moins-values, il faudra imputer davantage de moins-values pour anéantir toute imposition (au titre de l’impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, l’abattement n’étant pas pris en compte pour calculer l’assiette de ces deux dernières impositions). Et dés lors que le contribuable aura réduit à néant son assiette taxable, en raison de moins-values, il perdra nécessairement le bénéfice de tout abattement.
Compte tenu du principe de l’opposabilité de sa propre doctrine à l’Administration, il ne semble pas qu’elle puisse s’essayer à rectifier les impositions des années non prescrites pour lesquelles la nouvelle règle serait plus défavorable au contribuable.
A contrario, il peut s’avérer judicieux pour le contribuable de reconsidérer sa situation aux vues de la nouvelle interprétation du Conseil d’Etat afin de savoir si elle lui est plus favorable et de procéder le cas échéant à une réclamation auprès de l’administration dans le but de s’en prévaloir.